«J'aimerais qu'on ne lût pas cette Note ou que, parcourue, même on l'oubliât ; elle apprend, au Lecteur habile, peu de chose situé outre sa pénétration mais, peut troubler l'ingénu devant appliquer un regard aux premiers mots du Poème pour que de suivants, disposés comme ils sont, l'amènent aux derniers, le tout sans nouveauté qu'un espacement de la lecture4. »
«OBSERVATION RELATIVE AU POEME UN COUP DE DÉS, JAMAIS N'ABOLIRA, LE HASARD PAR STEPHANE MALLARME»
Une préface d'un nouveau genre?
Par : Pascal DURAND
« J'aimerais qu'on ne lût pas cette Note ou que, parcourue, même on l' oubliât1 » : c'est par ces mots, propres apparemment à placer leur lecteur en situation de double bind, que s'ouvre l' « Observation » figurant en tête de la version pré-originale du Coup de dés tel qu'il est apparu en mai 1897 dans la revue Cosmopolis2. Toute signée qu'elle soit du côté de la diction et de la tournure d'esprit caractéristiques de Mallarmé, aux yeux déjà de ses proches admirateurs comme de ses détracteurs, cette entrée en matière ne saurait être séparée, pour peu qu'on veuille la prendre au mot, des contraintes externes ayant présidé à la composition de ce texte, contraintes auxquelles le poète s'est rangé mais, selon son habitude, sans déroger à ses propres exigences esthétiques ni sans tenter de déjouer, au seuil de cette « Note » liminaire, les contraintes mêmes qui lui imposaient de faire précéder son poème par une telle «Note». Ce qu'on appelle d'ordinaire, peut-être indûment, la « préface» au Coup de Dés n'en porte pas le titre et procède d'une demande émanant de la Rédaction de la revue qui, déconcertée par l'Objet Verbal Non Identifié que lui avait fourni le poète, ne le fut guère moins par les explications que celui-ci se résolut à livrer à ses premiers lecteurs, puisqu'elle leur adjoignit en bas de page une brève « Note de la Rédaction », que l'on sait avoir été rédigée par Mallarmé lui-même, afin d'en clarifier un peu plus encore, ou un peu mieux, le propos3 . Sur ces contraintes, ce dispositif d'énonciation et d'inscription assez complexe, cette sorte d'écriture au carré voulant que, ayant à rendre lisible une œuvre qui dégondait les grilles de la lecture littéraire ordinaire, Mallarmé ait été tenu de réécrire en réduction son propre préliminaire explicatif, nous aurons à revenir, de même que sur la ligne de continuité qui se dessine, au début de cette «Observation», entre le souhait sans grande illusion formulé par le poète, que son lecteur n'en prenne pas connaissance ou que du moins il l'oublie après l'avoir distraitement« parcourue», et l'une des deux modalités de lecture aussitôt données pour adéquates à un poème répondant à une phénoménologie de l'expression toute particulière :
J'aimerais qu'on ne lût pas cette Note ou que, parcourue, même on l'oubliât ; elle apprend, au Lecteur habile, peu de chose situé outre sa pénétration mais, peut troubler l'ingénu devant appliquer un regard aux premiers mots du Poème pour que de suivants, disposés comme ils sont, l'amènent aux derniers, le tout sans nouveauté qu'un espacement de la lecture4.
Propension au paradoxe pragmatique ou indication en acte d'une lecture invitée à se laisser ingénument transporter par les dispositions verbales et typographiques constitutives de l'œuvre à suivre, cette entrée en matière n'en est pas moins, sous un autre point de vue, ordonnée à un horizon d'attente assez conventionnel. Le discours sur l'inutilité de la préface, sa vanité, l'office intempestif qu'elle remplit au bord extérieur de l'œuvre qui seule doit importer, la priorité ou l'autorité indues dont elle se prévaudrait aux dépens du texte qu'elle prétend servir constitue l'un des lieux communs du discours préfaciel. La rédaction d'une préface tient en bien des cas, faut-il le dire? d'un art de la prétérition, et peut-être s'agit-il ici de l'un des ressorts rhétoriques de son efficacité, tant en fait d'hommage rendu à l'auteur préfacé, dans le cas de la préface allographe, ou de justification personnelle, dans celui de la préface autographe, que de captation de bienveillance auprès du lecteur, aux impatiences duquel il convient de se montrer attentif lors même que tout est fait pour le décevoir à cet égard. Tout ceci étant dit, avant d'y revenir plus attentivement, c'est avec sa propre impatience également que Mallarmé doit compter en rédigeant, sur l'insistance de la Rédaction, une « Observation » dont la première phrase, avec son conditionnel («J'aimerais») et ses subjonctifs imparfaits (« qu'on ne lût pas», « on l'oubliât»), réagit de façon douce à la mortification subie, en cette circonstance peu éternelle, par un poète n'ayant jamais fait mystère de ses préventions envers la préface en général et les explications en particulier.
LA PRÉFACE MALGRÉ TOUT
Mallarmé fait effectivement partie de ces auteurs, plutôt nombreux, qui n'aiment pas les préfaces et aiment à le faire savoir. «J'abomine les préfaces issues même de l'auteur, à plus forte raison trouvé-je mauvais air à celle ajoutée par autrui», confirme-t-il en 1894 au poète Charles Guérin qui, fort de l'appui de Rodenbach, vient de lui demander, en balançant l'encensoir, de bien vouloir préfacer Le Sang des crépuscules : « Mon cher Maître, / L'amitié que vous avez bien voulu me témoigner, la bienveillance que vous montrez à l'égard de mes vers, font que, quoique vous sachant hostile aux préfaces, j'ose solliciter de vous de prononcer l'Introït au seuil de mon humble messe basse5. » A cette hostilité déclarée et manifestement bien connue au sein du microcosme poétique de la fin du siècle, il y a certes une raison de principe, que le maître s'empresse d'exposer à son disciple parce qu'elle a de quoi réconforter celui-ci dans l'instant même que celui-là semble se refuser à sa demande : « Mon cher, lui explique-t-il en effet, un vrai livre se passe de présentation, il procède par le coup de foudre, comme la femme envers l'amant et sans aide d'un tiers, ce mari. Moins figurativement je trouve qu'il y a un peu de manque de bravoure à n'agir ainsi, ou de crânerie et que c'est lointain, disons provincial; et quelque défiance me prend. » Tout aussitôt, cependant, voici la « transaction » qui selon lui « se propose » : « à savoir que les épreuves de votre livre par moi lues, je vous adresse un mot amical et presque à côté, lequel vous reproduiriez par déférence ou hommage, c'est discret, mais est-ce la peine, mêmel Je vous parle comme j'ai toujours et à de très chers amis répondu, ils s'en sont bien trouvés, quand on me pressentait au même sujet6. » Affaire conclue donc, mais avec tout un luxe de précautions que l'on verra encore à l'œuvre, quelques mois plus tard, lors de l'envoi du « mot amical » promis : « Ci-joint le petit mot que vous souhaitez; pas en forme de préface, mais, comme il est convenu, de lettre après lecture. Je trouve cette petite page un peu pédante; attachez la [sic] donc par un fil, un sinet [sic], comme vous dites, de soie éclatante et douce à l'égal de vos vers. » Et d'ajouter en post-scriptum : « Le moment venu, vous m'enverrez une épreuve, à corriger, de ma prose7. »
Il paraît bien difficile de ne pas verser ce refus de principe et le compromis qui en découle au compte d'une aimable pirouette dotée d'un puissant coefficient de distinction, la préface finalement acceptée sous forme de mot amical après communication des épreuves n'en paraissant que plus précieuse au disciple d'abord éconduit, et d'autant plus gratifiante l'onction que celui-ci en recevra, aux yeux de ses pairs, qu'elle lui aura été conférée à la fois sous le signe d'une exception à la règle et comme une preuve de sa commune appartenance, avec quelques autres, au cercle très restreint des « très chers amis » ayant bénéficié du même traitement de faveur. Il faut néanmoins prendre ce refus au sérieux et tenter de voir ce que la « transaction » décrite et exécutée sous cette forme recouvre en fait de signification. Le plus évident - et le plus valorisant pour le disciple - consiste à souligner qu'un livre, « un vrai livre », n'a d'autre ressort à mobiliser, pour aller à la rencontre de son public, que les deux forces intrinsèques de sa beauté formelle, qui en fait un objet clos sur lui-même, et de son originalité, qui l'isole au sein de la production générale. Or, la préface ne canalise pas seulement l'accès à l' œuvre éditée; elle introduit aussi dans le dispositif du livre, avec l'intervention d'une tierce instance s'interposant, tel un « mari » intempestif, au sein du couple passionnel formé par le livre et son lecteur, à la fois une dimension collective et un horizon institutionnel, en même temps qu'un rapport de force symbolique, dès lors que dans le cas de la préface allographe, c'est à un « tiers» en position d'autorité plus ou moins officielle et fort d'un prestige spécifique qu'il est ordinairement fait appel. « J'abomine les préfaces », déclare Mallarmé au jeune Guérin. Trois ans plus tôt, se souvenant sans doute des doctes enrôlements du Parnasse, c'est en employant ce même verbe qu'il avait signifié à Jules Huret sa répugnance envers toute détermination doctrinale et collective de la littérature : «J'abomine les écoles [... ] et tout ce qui y ressemble; je répugne à tout ce qui est professoral appliqué à la littérature qui, elle, au contraire, est tout à fait individuelle8.» Du chef d'école au pré facier allographe, de la doctrine à la préface, on voit quelle continuité se profile en direction d'une sociologie des rôles et des positions, que la structure du livre trouverait à relayer. On voit bien aussi, d'autre part, à quel enjeu et à quelle exigence pourrait satisfaire la « transaction» proposée, dont Mallarmé a fait plus d'une fois usage. Opter pour la rédaction d'une lettre préliminaire après réception des épreuves tend à indexer le discours préfaciel du côté tout complice d'un acte de lecture plus que du côté magistral d'un acte d'écriture et paraît assez bien fait pour occulter, sans en dissiper l'effet, l'aura d'extériorité et d'autorité associée au préfacier, en ce qu'une telle lettre semblera placer les deux auteurs sur pied d'égalité au sein d'un livre qui lui-même semblera comme extrait du système des rapports que l'ensemble des livres entre tiennent dans un état donné de la librairie. Car ce n'est pas le collectif comme juxtaposition de singularités que Mallarmé récuse : c'est, bien au contraire, le collectif comme univers structuré par des rapports de force et par des rangs plus ou moins hauts occupés sur une échelle de la consécration qui se confond, en partie, avec une pyramide des âges. Au rapport tout vertical de l'aîné au cadet ou du maître au disciple, Mallarmé prend soin, pour la montre, de substituer un rapport hori zontal entre deux individus singuliers, gens du même monde et, plus précisément, gens d'un monde placé à l'abri des proximités et collusions médiocres qui d'une autre littérature, moins haute, moins pure, font une lointaine province de la République des Belles-Lettres (par quoi la préface paraît bien, en effet, «provinciale»). Cette danse de séduction, cette dérobade, ce compromis tiennent bien sûr d'une manœuvre dont aucun dans cette affaire ne saurait être dupe. L'important est de sauver les apparences, de maintenir intact le voile de méconnaissance partagée qui recouvre la dimension sociale de la littérature, avec les faits de cooptation qui s'y établissent. Refuser la préface au nom du texte nu, lui préférer un billet préliminaire s'accorde parfaitement à un univers que Mallarmé lui-même maîtrise parfaitement : un univers soumis à un régime de dénégation diffus, et où les choses ne se font efficacement qu'en faisant comme si elles ne se faisaient pas.
Tout cela ne s'accorde pas moins avec la démarche d'un poète qui plus qu'aucun autre a introduit dans sa pratique, en l'y figurant de différentes façons, de même que dans sa théorisation de la pratique, un rapport réflexif aux conditions de possibilité de l'illusion littéraire9 ; et en l'occurrence d'un poète qui, convaincu du nécessaire isolement dont la parole poétique doit bénéficier au sein de la communication sociale, ne céderait au rituel de la préface que pour en dire non seulement l'inutilité, mais la vacuité. Vacuité du discours préfaciel en lui-même. Vacuité aussi dont ce discours serait chargé, en ayant comme pour office de faire le vide autour de l'œuvre et de sa lecture (ou de sa performance). C'est à quoi procède très explicitement - avec l'humour et l'ironie tout affirmative que Mallarmé y a mis comme ailleurs, sans oublier de s'y mettre lui-même en scène -l' «Avant-dire» lu par Marguerite Moreno le 21 avril 1897 avant un concert Reynaldo Hahn au théâtre La Badinière, dont le texte, tel qu'il a été « soufflé » par le poète à l'actrice en guise de «préliminaires», s'achève en se donnant pour mission d' «effacer», avant l'écoute des pièces, tout « ce qui, dans une salle et partout, reste de discours vain» :
Apportez, je prie, la ferveur même, la même candeur qui inspirent à l'auteur un genre de rêverie, où il se plaît, différent des concerts - ce n'est pas que, derrière le rideau sise entre les confidences, j'en abuse ou, explicative, tente de frapper les trois coups, avec le bâton, sur les têtes de l'assemblée; la compréhension se fera seule, clairvoyante, au cours de l'audition : plutôt, un poète, M. Stéphane Mallarmé, me souffia, gratuitement, ces préliminaires, pensa-t-il, pour bannir selon d'inutiles mots, ou, par un rythme de phrase propre à la voix, effacer, comme d'un pli de robe, ce qui, dans une salle et partout, reste de discours vain - avant que n'écoute le Public10.
Cet « Avant-dire » oralisé montre avec d'autres que, si fortes qu'il les voulût, Mallarmé n'a pas manqué de vaincre ses préventions à l'égard du genre de la préface. Voyons cela vite, en séparant régimes allographe et autographe. Comparé à un Baudelaire ou un Verlaine, qui n'en ont donné que deux spécimens chacun - aux Chants et Chansons de Pierre Dupont et aux Martyrs ridimles de Léon Cladel pour celui-là, au Livre de Jade de Judith Walter et aux Illuminations de Rimbaud pour celui-ci -, notre poète s'est plutôt volontiers livré au premier de ces régimes, sous diverses appellations tournant, il est vrai, autour du mot de préface, et ne s'y fixant guère que pour la préface de 1876 au Vathek de William Beckford, qui fut rédigée, selon le brouillon d'un avertissement destiné à précéder en 1893 cette même «Préface», en façon de « pièce justificatrice à l'adresse de quelques juges spéciaux11 ». Entre l' «Avant-dire» de 1886 au Traité du Verbe de René Ghil et celui que Marguerite Moreno lira en 1897, ce sont des lettres préliminaires qu'il compose (pour Guérin, Dauphin ou les documents Verlaine publiés par Philippe Zilken), ou bien un «Frontispice» au sujet de Laurent Tailhade (pour le premier album de la série des Iconographies de certains poètes présents de Cazals), ou bien encore un texte très dense pour le catalogue de l'exposition Berthe Morisot chez Durand-Ruel. Plusieurs de ces pages écrites pour la cause, ou déjà recyclées à cet effet, seront recueillies dans le volume des Divagations, l' «Avant-dire» au Traité du Verbe se trouvant, dans son cas très singulier, repris à son donataire pour former, après retouche, la conclusion de « Crise de vers12 ». «Avant-dire» ou «Frontispice», «Médaillon» ou« Portrait», elles participent d'une œuvre s'écrivant par morceaux « en tant [...] que poème critique13 », après avoir signalé, avec les toasts, oraisons funèbres et autres discours de table, la participation de leur auteur aux rites des arts et des lettres.
Le registre autographe n'est pas moins représenté, ni moins instable. A côté d'un Hugo, poète à préfaces, de proportions parfois monstrueuses, Mallarmé apparaît à l'inverse, quant à lui, comme un poète à «scolies» et à « bibliographies», expressions récurrentes du souci minutieux, et très emblématique de son sens des formalités, dont il entoure les conditions de composition ou de publication de ses textes14. Compte non tenu des deux «Avant-propos» aux Mots anglais (1877) et aux Dieux antiques (1880), qui relèvent du registre pédagogique, pas de préface littéraire à strictement parler - sinon, avant le sommaire de sa traduction des Poèmes d'Edgar Poe (1888), l'insertion en caractères italiques du Tombeau composé douze ans plus tôt pour le l\liemorial du poète américain ; en préambule à La Mmique et les Lettres (1894), un montage de deux articles touchant, pour l'un, à l'architecture des deux « cités savantes15 » de Cambridge et Oxford ainsi qu'au système des fellows et, pour l'autre, à sa proposition d'une réforme du Domaine public, très significatifs du grand cas qu'il fait des lieux, institutions et cadres économico-juridiques favorables à la vie de l'esprit et à la production, sous ses formes les plus exigeantes, de « la mentale denré16 » ; en tête des Loisirs de la poste et des Récréations postales (1894/1920), deux brèves notices sur « cette [petite] publication, tout à l'honneur de la Poste17» ; au seuil des Divagations (1897), un avertissement sans titre et en italiques, afin de désigner en ce volume « un livre comme [il] ne les aime pas18 » ; à même place et avec mêmes italiques dans la maquette pour l'édition Deman des Poésies (1894/1899), le sonnet « Salut », accueil fait au lecteur, après avoir été « Toast » de banquet littéraire, et indication d'un idéal sur quoi régler écriture et lecture poétiques19, Ce serait là bien peu de choses, au fond, s'il ne fallait élargir ce corpus au projet laissé en friches, la mort venue, d'une «Préface» aux Noces d'Hérodiade (qui eût été l'occasion de rendre raison du «danger» qu'il y a à « compléter <mûr> un poème de jeunesse20 ») et s'il ne fallait aussi l'élargir, de façon doublement virtuelle, à la forme globale adoptée, pour la propre gouverne du poète et en direction de son public, par une œuvre faite, sous un premier aspect, de pièces rapportées, « études en vue de mieux» et « note[s] de projet21 », et pensée, sous un second aspect, comme le prospectus ou l'appel à souscription symbolique en vue d'un grand Livre à venir, dont les « portions faites22 » n'eussent été qu' indicatives. L'œuvre faite comme préface de l'Œuvre à faire; les poésies et les proses, tant de propos de cénacle et tant de confidences : autant de chèques en blanc tirés sur le compte mirobolant du «livre» à quoi « tout, au monde, existe pour aboutir23» ; et « toute une vie d'artiste sincère» s'achevant sur cette recommandation quant à « [ses] Papiers » : « croyez que ce devait être très beau » (et sur ce dernier mot tracé : « Mystère24 »). C'est par ici qu'il faut en revenir à l'«Observation» relative au Coup de dés, en ce qu'elle condense les différents traits et certaines des apories du discours préfaciel mallarméen : réticence vaincue sous la contrainte, évitement de la «préface» au sens et au mot propres, tension vers la chose même à préfacer et vers quelque chose d'autre.
ENTRE PRÉFACE ET MANIFESTE
Observation donc, plutôt que préface. Inutile de redire ce qui dans le choix de ce vocable préserve et la liberté du poète se rendant aux instances de la Rédaction et sa fidélité à plusieurs de ses principes en la matière. L'important réside à présent dans la charge sémantique d'un mot pouvant tout à la fois recouvrir, sous un dehors de grande neutra lité, un ensemble de considérations générales (sur la forme du poème envisagée de l'extérieur), une prescription adressée au lecteur (d'ajuster son œil à cette forme), sinon peut-être la conduite d'une observation quasi astronomique exercée sur la surface d'un poème dans lequel il sera fait mention d'un «nombre» fantomatique « issu stellaire» (puis d'« une constellation») et dont toute l'organisation tabulaire, offerte à une « vision simultanée de la Page25 », est bien faite pour procurer, ainsi que l'envisageait Mallarmé, une sorte d'équivalent noir sur blanc des constellations qui, elles, s'écrivent blanc sur noir26. Le plus important dans tout cela, pour l'objet du présent volume, tient à la position d'extériorité ainsi adoptée, qui est en réalité celle de tout préfacier autographe, en ce que ce mode de discours, par un dédoublement si évident qu'il passe généralement inaperçu, partage l'instance auctoriale entre auteur du texte préfacé et auteur de la préface, tout se passant comme si l'auteur, s'extrayant de lui-même, se transportait au-delà ou au-dessus de sa propre œuvre pour en devenir le premier lecteur et, depuis cette position, indiquer aux lecteurs plus ou moins vagues et anonymes qui viendront, tantôt les intentions qu'il y a suivies (en tant qu'auteur de l'œuvre), tantôt la marche à suivre afin d'en prendre bonne connaissance et d'en tirer profit (en tant que premier lecteur de l'œuvre qu'il préface).
D'autres faits de dédoublement nous retiendront plus loin. Revenons aux enjeux fixés par la Rédaction de Cosmopolis à cette « note » préliminaire, auxquels Mallarmé se range en tentant d'y inscrire le Coup de dés sur deux plans de recevabilité. Un plan d'abord de lisibilité à proprement parler, consistant à filtrer la « nouveauté» de son poème - elle-même aussitôt réduite : « le tout sans nouveauté qu'un espacement de la lecture » - à travers des codes reçus ou donnés pour tels. Ainsi, les « blancs » qui dans l'œuvre « assument l'importance » ne feraient que « disperser » ceux qui « ordinairement » entourent, sur un feuillet, « un morceau lyrique, ou de peu de pieds » ; ainsi, la « Page » en étant « prise pour unité » ne ferait qu'extrapoler à toute la surface des feuillets l'unité du « Vers » en tant que « ligne parfaite » (le vers étant lui-même un « mot total27 »). Ces dispositions propres à la «versification», Mallarmé prend soin de souligner qu'il ne les « transgresse » pas plus « qu'il ne [lui] appartient [... ], dans un Périodique [tel que la revue qui l'accueille], d'agir par trop contrairement à l'usage.» Un semblable principe de transgression respectueuse règle l'identification du dispositif du poème à une «partition», les agencements typographiques ayant pour office tout prosodique de noter fluctuations de « l'émission orale » et variations de « l'intonation » (« La différence des caractères d'imprimerie [... ] dicte son importance à l'émission orale et la portée [... ] notera que monte ou descend l' intonation28 »). Au code de la versification se conjoignent ainsi ceux de la notation et de l'interprétation musicales, quitte à transférer la « nouveauté » du poème du registre très évidemment et très matériellement spatio-visuel qui est le sien à un registre sonore ou vocal moins déroutant du fait de l'analogie classique établie entre vers et musique, et compte tenu de certaines des pratiques les plus banalement associées au discours poétique. Thierry Roger formule en ce sens l'idée intéressante que la mention « pour qui veut lire à haute voix» tiendrait d' « une concession faite à un usage social du poème - la récitation mondaine, la déclamation, la lecture publique - seulement renouvelé par le poème partition29. » Ce qu'il faut bien appeler la banalisation ou la déradicali sation du poème passe d'un autre côté par son installation sur un plan d'historicité qui le relie, au plus loin, à une tradition immémoriale (celle du vers, du lyrisme, du poème philosophique, de « la Poésie - unique source») et, au plus près, à de grandes inventions du xrx' siècle telles que le « poème en prose» ou le « vers libre», « poursuites particulières et chères à notre temps » dont le Coup de dés serait à son tour la poursuite en une direction tout indicative et respectueuse à l'égard d'habitudes récemment acquises : «J'aurai, toutefois, indiqué du Poème ci-joint, mieux que l'esquisse, un "état" qui ne rompe pas de tous points avec la tradition; poussé sa présentation en maint sens aussi avant qu'elle n'offusque personne : suffisamment, pour ouvrir des yeux30.» Dans ce travail d'euphémisation effectué sur une œuvre « qui manque de pré cédents», Mallarmé parvient certes à préserver par la bande quelques « directions hardies» qui lui sont chères(« mobilité de l'écrit», « emploi à nu de la pensée», « subdivisions prismatiques de l'Idée»); l'impression n'en prévaut pas moins d'un effort visant à conformer le message de son Coup de dés à deux ensembles de formes - les formes poétiques antiques et modernes, et celles qu'il faut bien mettre, comme on fait de gants, lorsqu'il s'agit d'amener un public à abandonner ses œillères.
Peine perdue, dont témoigne d'abord la « Note de la Rédaction» ajoutée en bas de page, nouvel écrémage du propos, encore que, réduit de la sorte et à cette place, celui-ci fournisse l'occasion d'un significatif retournement de perspective. Atténuée en sa «nouveauté», chevillée à des formes rémanentes ou récentes - au nombre de quoi figurait déjà, à mots plus couverts, l'esthétique wagnérienne31 -, voici à présent que l'œuvre est dite « d'un caractère entièrement nouveau». C'est que le justificatif concerne non plus tant ici la hardiesse de l'auteur que celle de la revue, et aussi que le changement de régime personnel, passant de la première à la troisième personne, autorise le poète, tel qu'il se parle à travers autrui et sous sa probable dictée, à revendiquer la singularité absolue de son « effort d'art» en même temps que son rang de « maître incontesté de la poésie symboliste en France32 » :
[Désireuse d'être aussi éclectique en littérature qu'en politique et de se justifier contre le reproche qu'on lui a fait de méconnaître la nouvelle école poétique française, la rédaction de Cosmopolis offre à ses lecteurs un poème inédit de Stéphane Mallarmé, le maître incontesté de la poésie symboliste en France. Dans cette œuvre d'un caractère entièrement nouveau, le poète s'est efforcé de faire de la musique avec des mots. Une espèce de leitmotiv général qui se déroule constitue l'unité du poème : des motifs accessoires viennent se grouper autour de lui. La nature des caractères employés et la position des blancs suppléent aux notes et aux intervalles musicaux. Cet essai peut trouver des contradicteurs : nul ne méconnaîtra le singulier effort d'art de l'auteur et ne manquera de s'y intéresser. - note de la rédaction.]
Peine perdue, d'autre part, à la lumière bien vacillante de la réception critique du poème et de son lourd carénage. Paru à la veille d'un fait divers aussi monstrueux que l'incendie du Bazar de la Charité - coupe sombre dans les rangs de la haute société -, l'OVNI du Coup de dés passera presque inaperçu dans le ciel de la Troisième République des Lettres33. Quant aux quelques recensions dont il fit l'objet, elles allèrent du persiflage d'un Retté au simple collage journalistique de ladite « Note de la Rédaction», reçue comme un prière d'insérer, ce qu'elle était assurément. C'est bien tard au cours du siècle suivant, comme le montre la monumentale archive établie par Thierry Roger, que le poète de L'Après-midi d'un Faune, d'Hérodiade et de quelques« bibelots» deviendra, graduellement, le poète du Coup de dés34.
Ainsi occultée, peut-être également par excès d'encadrement péritex tuel, l'apparition de l'œuvre s'est en réalité effectuée d'entrée de jeu, à y regarder mieux, sous le signe d'un double escamotage qui en dit long sur les apories propres à l'énonciation préfacielle en général autant que sur les enjeux effectivement visés par Mallarmé en dépit du cadre contraignant installé par la Rédaction de Cosmopolis. Rappelons, sous le premier de ces rapports, le battement qu'un Derrida a fait valoir : d'un côté, toute préface aurait pour propriété d' « [énoncer] au futur ("vous allez lire ceci") le sens ou le contenu conceptuels [... ] de ce qui aurait déjà été écrit35 », mais, d'un autre côté, l' « on a toujours écrit les préfaces [... ] en vue de leur propre effacement». « Parvenu à la limite du pré-, ajoutait l'auteur de La Dissémination, le trajet doit en son terme s'annuler. Mais cette soustraction laisse une marque d'effacement, un reste qui s'ajoute au texte subséquent et ne s'y laisse plus tout à fait résumer36. » Placée au seuil du texte, linteau de la porte donnant accès à celui-ci, la préface fait donc sas sans doute, mais aussi écran; écrite pour faire place à un autre écrit, elle s'y abouche et s'y ajoute; et là même où la disjonction s'opère entre le pré-texte et le texte, c'est encore le fantôme d'un trait d'union ou d'un supplément qui se donne à entrevoir. C'est ainsi, pour ce qui nous concerne, que la double «préface» au Coup de dés, en dépit des contraintes volontiers oubliées ayant pesé sur elle, commandera longtemps, en s'ajoutant au texte, la plupart des commentaires dont le poème fera l'objet, et cela non seulement dans la version du périodique Cosmopolis, mais de surcroît et surtout dans la version livre à double page de grand format que Mallarmé mettra aussitôt après en chantier, dans l'attente d'une édition typographiquement conforme au dernier« état» de son projet inséparablement textuel et paratextuel37.
D'une telle logique il allait bien déjà, sous un autre aspect encore, dans cette double « préface » elle-même. Elle escamote à peu de chose près, ainsi qu'on l'a vu, la « nouveauté» du texte sous la grille mal ajus tée dont elle le recouvre par avance (quoique bien ajustée en revanche aux catégories de lecture et de lisibilité héritées d'une histoire à plus ou moins longue portée de la poésie). Et en même temps elle est machinée par Mallarmé en vue d'un autre escamotage, consistant à «pousser» cette même œuvre au-delà d'elle-même en désignant dans I'«état» qui est le sien l'horizon d'autres «états» à venir. C'est là tout le sens à la fois contenu et visé dans le dernier tiers du texte de I'« Observation», amorcé par la remarque, apparemment de pure bienséance, voyant le poète souligner qu' « il ne [lui] appartient pas, hormis une pagination spéciale ou de volume à [lui], dans un Périodique, même valeureux, gracieux et invitant qu'il se montre aux belles libertés, d'agir par trop contrairement à l'usage. » Au-delà du poème édité par le périodique se laisse ainsi entrevoir une autre possibilité: celle d'un «volume» tout personnel, avec « une pagination spéciale». Mais il y a plus encore et allant plus loin, que toute la fin développe avant d'en retourner à « la Poésie - unique source». D'un bout à l'autre de I'« Observation relative au poème Un Coup de Dès jamais n'abolira le Hasard par Stéphane Mallarmé», autre chose en effet se trouve préfacé que le poème publié par la revue Cosmopolis. Quelle est cette autre chose ? Trois choses au moins : comme on vient de le voir, le Coup de dés sous la seconde forme qui allait ou devait être la sienne, avec ses paramètres spécifiques (un livre, de grand format, ayant pour unité la double page déployée autour d'un pli central, etc.); mais aussi le Coup de Dés comme premier temps possible d'un cycle de poèmes répondant aux mêmes paramètres ou à des paramètres semblables ; le Coup de dés enfin et surtout comme prototype éventuel d'un «genre» à part entière et voué, à côté du « chant personnel » approprié au lyrisme des « passions » et des « rêveries », au traitement symphonique des formes les plus intellectuelles de l'imagination, lesquelles appartiennent de plein droit, autant que d'autres, à la «Poésie» même :
Le genre, que c'en devienne un comme la symphonie, peu à peu, à côté du chant personnel, laisse intact l'antique vers, au quel [sic] je garde un culte et attribue l'empire de la passion et des rêveries; tandis que ce serait le cas de traiter, de préférence (ainsi qu'il suit) tels sujets d'imagination pure et complexe ou intellect: que ne reste aucune raison d'exclure de la Poésie - unique source.
Autre «état», autres productions du même type ou «genre» à supposer que « c'en devienne un», on voit à quelle conséquence porte cette logique touchant non plus seulement à la préface, mais au texte préfacé : c'est celui-ci qui, pour finir, se voit du coup donné aussi bien pour la préface ou du moins la préfiguration d'autre chose à venir. On voit également, en termes de genre préfaciel, quel effet en ressort, voulant que préface et texte préfacé apparaissent en l'occurrence comme une sorte de manifeste littéraire et artistique avant l'heure et avant la lettre, et en tout cas qu'ils se placent tous deux, ensemble, entre préface et manifeste - comme aussi bien entre le temps des grandes préfaces à vocation programmatique (d'un Hugo à un Leconte de Lisle) et le temps des manifestes avant-gardistes. Il est frappant, sous un tel angle, d'observer que le Coup de dés et ce que, faute de mieux, on peut continuer d'appeler sa« préface» s'écrivent au cours d'une période ayant vu d'un côté Jean Moréas jouer au chef d'école en publiant, dans les colonnes du Figaro, en 1886, son article sur « l'école symbolique38 » et Filippo Tommaso Marinetti publier, de l'autre, dans les mêmes colonnes, en 1909, son manifeste du « Futurisme39 » - lequel, comme on sait, se voudra à son tour, sous une autre forme, plus offensive, propagateur d'une « révolution typographique».
Pascal DURAND
Université de Liège
NOTES
1 « Observation relative au poème Un Coup de Dés jamais n'abolira le Hasard par Stéphane Mallarmé», dans Œuvres complètes, t. 1, éd. par B. Marchal, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade», 1998, p. 391.
2 S. Mallarmé, « Un coup de dés jamais n'abolira le hasard», Cosmopolis, vol. 6, n" 17, mai 1897, p. 417-427 (entre une nouvelle d'Anatole France, «La "Muiron"», et un ensemble de « Lettres inédites» d'Ivan Tourgueniev). r: «Observation» y figure p. 417-418. Ayant suivi de 1896 à 1898 une ligne rédactionnelle volontairement éclectique et à vocation plus politique que littéraire, cette revue en trois langues (anglais, allemand, français) était imprimée à Londres, mais distribuée à Paris par les éditions Armand Colin. D'autres relais éditoriaux sont mentionnés sur sa couverture (Amsterdam, Berlin, Genève, Londres, New York, Saint-Pétersbourg et Vienne). C'est en réponse à une demande à lui adressée le 21 octobre 1896 par le secrétaire parisien de la Rédaction, André Lichtenberger - soucieux, lui expliquait ce dernier, d'ouvrir les pages de Cosmopolis à « la nouvelle école littéraire et particulièrement poétique» -, que Je poète confiera à ladite revue en mars 1897 le déroutant manuscrit de son Coup de dés. Sur la genèse de cette publication et les tractations auxquelles elle a donné lieu, voir G. Millan, « La publication du Coup de dés dans Cosmopolis», Études Stéphane Mallarmé, n" 1, 2013, p. 21-28.
3 "Note de la Rédaction», dans Mallarmé, Œuvres complètes, op. cit., p. 392 (dans Cosmopolis, p. 417, au bas de la première page de l'"Observation», entre crochets et dans un corps plus petit). Cette note, peut-être rédigée à partir de suggestions soufflées par Lichtenberger, est en effet de la main du poète, comme l'atteste le manuscrit qui en a été conservé.
4 "Observation relative au poème Un Coup de Dés jamais n'abolira le Hasard par Stéphane Mallarmé», dans Œm1res complètes, op. cit., p. 391.
5 Lettre de Charles Guérin, 15 décembre 1894, dans Cormpoudauce, t, 7, éd. par H. Mondor et L. J. Austin, Paris, Gallimard, 1982, p. u7, note 2.
6 Lettre à C. Guérin, 24 décembre 1894, dans ibid., p. u7-u8. Ces dispositions se renou velleront en réponse à une semblable demande émanant de Léopold Dauphin, pour les Raisins bleus et gris : « Au besoin et guoigue le moins de prose possible convienne à un volume de poésie, je vous écrirais un billet de quelques lignes, après communication des épreuves; gui pourrait se mettre en tête» (Lettre à L. Dauphin, 25 septembre 1896, dans Correspondance, éd. par H. Mondor et L. J. Austin, Paris, Gallimard, 1983, t. 8, p. 230).
7 Lettre à C. Guérin, 30 mai 1895, dans Correspondance, t. 7, op. cit., p. 213. La lettre préface de Mallarmé ne sera reproduite en fac-similé gue dans les exemplaires de luxe (outre nn tirage imprimé sur japon ponr l'exemplaire déposé à la Bibliothègue Nationale).
8 J. Huret, Enquête sur l'évolution littéraire, éd. par D. Grojnowski, Vanves, Thot, 1982, p. 77.
9 J'ai mis en évidence cet aspect fondamental de l'esthétique mallarméenne dans Mallarmé. Du sens des formes au sem des formalités (Paris, Seuil, coll. «Liber», 2008) et « Vers une illusio sans illusion? Réflexivité formelle et réflexivité critique chez Mallarmé» (D. Saint-Amand et Vrydaghs (dir.), C0uTEXTES, n°9, 20u, Nouveaux regards sm· l'illusio). URL: http:// contextes.revues.org/4800
10 « Avant-dire [Lu par Mlle Moreno avant un concert des œuvres de Reynaldo Hahn, à la Badinière)», dans Œuvres complètes, éd. par B. Marchal, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade», 2003, t. 2, 691. Marguerite Moreno, confidente du poète - et maîtresse de Catulle Mendès avant d'épouser Marcel Schwoben 1900 -, sera l'organisatrice des funérailles de Mallarmé.
11 Brouillon préparatoire à la réédition Perrin (1893) du Vathek de Beckford, dans Œuvres complètes, 2, op. dt., p. 1576. L'avertissement achevé précisera qu'il s'était agi, en 1876, de «restituer» cette œuvre et cet écrivain « à la Langue française» (ibid., p. 4).
12 Sur la pragmatique particulière de ce texte, son montage final dans «Crise devets » et le rôle que ce montage a joué dans le différend entre l'aîné et son cadet récalcitrant, voir P. Durand, « Don et déprédations. À propos de l'Avant-dire" au Traité du Verbe», dans J.-L. Diaz (éd.), « Préfaces et manifestes du XIXe siècle», Revue des sciences humaines, n°295, 3/2009, p. 67-77.
13 «Bibliographie» des Divagations, dans Œuvre, complètes, 2, op. cit., p. 277.
14 Voir les gloses et additions en appendice à l'édition de sa conférence sur La Musique et les Lettres (1894), les «Scolies» des Poèmes d'Edgar Poe (1888), la «Bibliographie» préparée pour l'édition Demandes Poésies (1899) et la «Bibliographie» des Divagations (1897).
15 Œuvres complètes, 2, op. cit., p. 55.
16 «Étalages», dans Divagations, cit., p. 219.
17 Les Loisir de la Poste et Récréations postales, dans Œuvrescomplètes, 1, op. cit., p. 241 et 245.
18 Divagations, op. cit,, p. 82.
19 « Salut », dans Œuvres complètes, 1, op. cil., p. 4.
20 Les Noces d'Hérodiade, dans Œuvres complètes, 1, op. cil., p. 1079-1080.
21 «Bibliographie» de Poésies, cit., p. 46,
22 Lettre à Paul Verlaine, 16 novembre 1885, dans Œuvres complètes, t, 1, cit., p. 788.
23 « Le Livre, instrument spirituel», dans Divagations, cit., p. 224.
24 Lettre à Marie et Geneviève Mallarmé, 8 septembre 1898, dans Œuvres complètes, 1, op. cit., p. 821. Ce mot de «Mystère», le dernier en effet tracé à ma connaissance par le poète, réfère en réalité - on voudra bien pardonner cette entorse - au genre adopté par les Noces d'Hérodiade, promis, avec d'autres volumes, à Fasquelle pour la France et Deman pour la Belgique.
25 « Observation relative au poème Un Coup de Dés jamas n'abolira le Hasard par Stéphane Mallarmé», dans Œuvres complètes, 2, op. cil., p. 391. Afin d'alléger l'appareil des notes subpaginales, on ne précisera plus dans la suite, sauf exception, à quelles portions d'un texte faisant moins de deux pages seront empruntées nos citations.
26 «Tu remarquas, on n'écrit pas, lumineusement, sur champ obscur, l'alphabet des astres, seul, ainsi s'indique, ébauché ou interrompu; l'homme poursuit noir sur blanc»(« L'Action restreinte», dans Divagations, op.cit. p. 215). Après examen des épreuves de la seconde version (à double page), Paul Valéry, rejoignant la gare de Valvins au côté de son maître «sous l'innombrable ciel de juillet», prit le premier cette métaphore au mot: «Il a essayé, pensé-je, d'élever enfin m1e page à la puissauce du ciel étoilél» (« Le Coup de dés. Lettre au directeur des Marges», dans Variété, Œuvres, éd. pat·J. Hytier, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade», 1959, t. 1, p. 625-626.)
27 «Crise de vers», dans Divagations, cit., p. 213.
28 Un critique aussi cruel que Retté s'empresse de parodier cette justification dans un sketch oü Robert de Souza (alias Norbert de Gloussat) met eu pratique devant un petit public peu convaincu les notations typographiques du « génial auteur» : « Norbert de Gloussat, ouvrant une bouche énorme et hurlant. / un coup de dés jamais l / Grymalkiu : Ne criez pas si fort, vous allez casser les [... ] Norbert de Gloussat : un coup de dés jamais (il baisse un peu la voix) quand bien même lancé dans des circonsrances éternelles (un silence) du fond d'un naufrage soir (il baisse encore la voix) [... ] » (« Idylle diabolique», dans La Plume, 15 août 1897, cité par T. Roger, « La réception immédiate du Coup de dés : chronique d'un relatif silence», Romamisme, n° 139, 2008, p. 140-141).
29 Roger, L'Archive du Coup de Dés. Étude critique de la réœption d'Un Coup de dés jamais n'abolira le hasard de Stéphane Mallarmé(1897-2007), Paris, Classiques Garnier, 2010, p. 962.
30 Le barème de rémunération étant établi par Cosmopolis, à 40 francs la page de vers on 20 francs la page de prose, il est piquant de se demander quel choix - et avec quelle difficulté - fut posé à cet égard par la Rédaction : vers ou prose?
31 Dans l' «Observation» : « [La] réunion [du vers libre et du poème en prose] s'accomplit sous une influence, je sais, étrangère, celle de la Musique entendue au concert». Dans la « Note de la Rédaction» : « Une espèce de leitmotiv général qui se déroule constitue l'unité du poème».
32 Un détail du texte de l'«Observation», souligné ci-après, marque bien toute sa différence sous ce rapport avec le texte endossé au nom de la Rédaction : « L'avantage, si j'ai droit à le dire, littéraire, de cette distance copiée [... ]. »
33 On doit à Bertrand Marchal la mention de cette malheureuse coïncidence dans sa préface aux documents Mallarmé, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, « Mémoire de la critique», 1998, p. 15.
34 Voir Claudel : « après Hérodiade, il faut bien convenir qu'il n'y a plus que des bibelots poussiéreux». L'auteur de La catastrophe d'Igitur mentionne pourtant bien « l'espèce d'équation typographique [que Mallarmé] a réalisée dans le Coup de dés» (Œuvres en prose, éd. par J. Petit et C. Galpérine, Paris, coll. « Bibliothèque de la Pléiade», 1965, p. 510-511).
35 Derrida, « Hors livre», dans La Dissémination, Paris, Seuil, coll. « Tel Quel», 1972, p. 13.
36 Ibid. p. 14.
37 Il est significatif, à cet égard, que la première édition nrf du second état du Coup de dés (1914), imitée par beaucoup d'autres ensuite, ait placé comme naturellement au seuil du volume la préface à la version Cosmopolis. L'histoire de la réception du Coup de dés est celle aussi d'une succession de mauvaises fortunes éditoriales, d'éditions plus ou moins incorrectes et, de toute façon, hantées par l'horizon du livre idéal qui correspondrait enfin aux vœux du poète. Voir, pour une bonne synthèse de cette problématique, l'article d'É. Deac, « À la recherche de l'édition idéale d'Uu Coup de dés», dans Études Stéphane Mallarmé, Paris, Classiques Garnier, n° 1, 2013, p. 73-101.
38 Moréas, « Le Symbolisme», dans supplément littéraire du Figaro, 18 septembre 1886, p. 1-2.
39 F.-T. Marinetti, « Le Futurisme», dans Le Figaro, 20 février 1909, p. 1.
BIBLIOGRAPHIE
CLAUDEL, Paul, Œuvres en prose, éd. par Jacques Petit et Charles Galpérine, Paris, coll. « Bibliothèque de la Pléiade», 1965.
DEAC, Éliza, « À la recherche de l'édition idéale d'Un Coup de dés», dans Études Stéphane Mallarmé, Paris, Classiques Garnier, n° 1, 2013, p. 73-101. DERRIDA, Jacques, « Hors livre», dans La Dissémination, Paris, Seuil, coll. « Tel Quel», 1972.
DURAND, Pascal,« Don et déprédations. À propos de l''Avant-dire" au Traité du Verbe», dans José-Luis Diaz (éd.), « Préfaces et manifestes du XIX' siècle», Revue des sciences humaines, n° 295, 3/2009, p. 67-77.
DURAND, Pascal, Mallarmé. Du sens des formes au sens des formalités, Paris, Seuil, coll. «Liber», 2008.
DURAND, Pascal, « Vers une illusio sans illusion? Réflexivité formelle et réflexivité critique chez Mallarmé», Denis Saint-Amand et David Vrydaghs (dir.), COnTEXTES, n°9, 20u, Nouveaux regards sur l'illusio URL: http:// contextes.revues.org/4800
HURET, Jules, Enquête sur l'évolutiou littéraire, éd. par Daniel Grojnowski, Vanves, Thot, 1982.
MALLARMÉ, Stéphane, Correspondance, éd. par Henri Mondor et Lloyd James Austin, Paris, Gallimard, 1982, t. 7.
MALLARMÉ, Stéphane, Correspondance, éd. par Henri Mondor et Lloyd James Austin, Paris, Gallimard, 1983, t. 8.
MALLARMÉ, Stéphane, Œvres complètes, éd. par Bertrand Marchal, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade», 1998, t. 1.
MALLARMÉ, Stéphane, Œuvres complètes, éd. par Bertrand Marchal, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade», 2003, t. 2.
MALLARMÉ, Stéphane,« Un coup de dés jamais n'abolira le hasard», Cosmopolis, vol. 6, n°17, mai 1897, p. 417-427.
MARCHAL, Bertrand, Mallarmé, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, coll. « Mémoire de la critique», 1998.
MILLAN, Gordon, « La publication du Coup de dés dans Cosmopolis », Études Stéphane Mallarmé, n°1, 2013, p. 21-28.
VALÉRY, Paul, Variété, Œuvres, éd. par Jean Hytier, Paris, Gallimard, coll.« Bibliothèque de la Pléiade», 1959, t. 1.
ROGER, Thierry, « La réception immédiate du Coup de dés : chronique d'un relatif silence», Romantisme, n°139, 2008.
ROGER, Thierry, L'Archive du Coup de Dés. Étude critique de la réception d'Un Coup de dés jamais n'abolira le hasard de Stéphane Mallarmé (1897-2007), Paris, Classiques Garnier, 2010.
SOURCE :
https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/163846/5/Une%20pr%c3%a9face%20d%27un%20nouveau%20genre%20%3f.pdf copie le 12-08-2022
SITE A VISITER :
https://www.enrevenantdelexpo.com/2019/11/03/par-hasard-a-la-friche-la-belle-de-mai/